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Vlaams minister dierenwelzijn
7 Novembre 2024

Vu de Flandre 

Depuis la régionalisation de la compétence du bien-être animal, les trois régions progressent à des rythmes différents selon les enjeux et thématiques. Découvrez ci-dessous l’interview exclusive de Ben Weyts (N-VA), qui entame son troisième mandat en tant que ministre du Bien-être Animal en Flandre, et qui nous dévoile les grandes mesures prévues de l’autre côté de la frontière linguistique.

 

En Wallonie, le Ministre-Président Adrien Dolimont (MR), pourtant en charge du bien-être animal depuis plus de quatre mois, n’a pas souhaité nous accorder d’interview, préférant poursuivre ses consultations avant de s’exprimer.

 

À Bruxelles, le bien-être animal reste en attente de la formation d’un gouvernement et de la nomination d’un ministre dédié à cette compétence.

« Il est désormais acté qu'il sera mis un terme définitif et irrévocable à la captivité des dauphins dans notre pays »

Ben Weyts
Ministre flamand du bien-être animal

GAIA : Vous entamez votre troisième mandat consécutif en tant que ministre flamand du bien-être animal. Vous semblez attaché à cette compétence. Considérez-vous le bien-être animal comme une priorité dans votre carrière politique ?

Ben Weyts : Les animaux me tiennent énormément à cœur. Au cours des dix dernières années, j'ai prouvé que le bien-être animal est bien plus pour moi qu’une simple pensée ou une compétence secondaire. Je pense d'ailleurs que la plupart des citoyens me connaissent surtout comme le « ministre des animaux ». Ce sujet me passionne toujours autant. Depuis le début, nous avons pu faire des avancées pionnières sur le plan politique et déclencher beaucoup de changements. Mais de grands défis restent à relever. Heureusement, j’ai, entre autres, GAIA pour attirer l’attention sur ces questions de manière régulière.

 

GAIA : Au cours des deux dernières législatures, vous avez accompli de nombreux progrès. GAIA vous a attribué une note de 16/20 pour votre politique de bien-être animal à la fin de la législature 2014-2019, puis de 14/20 pour la législature suivante. Quels sont les accomplissements que vous considérez comme les plus importants de ces dix dernières années ?

Ben Weyts : Cela peut sembler surprenant, mais ce sont les signalements reçus par mes services qui me viennent spontanément à l’esprit. Ils augmentent chaque année, non pas parce que la souffrance animale est plus présente en Flandre, mais parce que la sensibilité au bien-être animal s’accroît, tout comme la confiance dans la politique flamande en la matière. Il y a dix ans, peu de gens savaient qu’il existait un ministre chargé du bien-être animal. Depuis le transfert de cette compétence aux régions, nous l’avons progressivement développée pour en faire une compétence forte et visible, en bâtissant une politique ferme et une crédibilité croissante. Nous pouvons en être fiers.

 

GAIA : Après le Code Wallon du bien-être animal, le Code flamand a été approuvé en mai 2024, incluant des avancées indéniables. Cependant, cette législation pourrait aller encore plus loin. Prenons l’exemple de la vente d’animaux vivants sur les marchés. GAIA demande l’interdiction complète de cette pratique, car, quelle que soit la fréquence des marchés, elle a un effet néfaste sur le bien-être et la santé des animaux. Le Parlement bruxellois a d’ailleurs récemment voté une interdiction totale. Envisagez-vous une mesure similaire en Flandre ?

Ben Weyts : Avec le Code flamand du bien-être animal, nous avons tiré le meilleur parti de ce qui était possible, même pour les marchés aux animaux. Il y a eu énormément de résistance à ce sujet, et je comprends en partie cette résistance : certaines personnes sont attachées à ce qu'elles considèrent comme des traditions locales. Je pense que GAIA sait bien combien de résistances peuvent surgir dès qu’on cherche à améliorer les conditions des animaux. Mais nous avons tenu bon, ce qui nous a permis de réglementer ces marchés de manière stricte. Nous commencerons par vérifier le respect des nouvelles règles. Avec le temps, les mentalités évolueront peut-être, et d’autres mesures pourront être envisagées. Pour l'instant, nous pouvons être fiers du Code du bien-être animal et des progrès accomplis.

ben weyts - ministre du bien être animal

GAIA : Il est extrêmement décevant que le Code flamand du bien-être animal ne prévoie pas de plan clair pour l'élimination progressive de la captivité des dauphins, comme dans le delphinarium de Bruges. Lors d'une audition au Parlement flamand, l’éthologue de renommée mondiale Jane Goodall a plaidé pour l'arrêt de la captivité de ces dauphins. Son appel scientifiquement fondé est-il tombé dans l’oreille d’un sourd ?

Ben Weyts : Il n’était pas simple d'avancer sur ce dossier de bien-être animal, mais cela ne nous a pas découragé. Nous devons souvent lutter contre vents et marées pour obtenir des avancées. Après de nombreuses négociations lors des discussions pour la formation du nouveau gouvernement, nous avons finalement obtenu une percée. Il est désormais acté qu'il sera mis un terme définitif et irrévocable à la captivité des dauphins dans notre pays. Cela prendra fin au plus tard en 2037, et cela pourrait même se faire plus tôt.

GAIA : Le bien-être animal a fait un grand bond en avant avec la nomination d'un commissaire européen dédié au bien-être animal. Le programme de gouvernement flamand mise sur l'UE pour interdire la castration chirurgicale des porcelets. Mais ne pensez-vous pas que si la Région n'adopte pas elle-même une interdiction, il y a de fortes chances que cela n’aboutisse jamais ? D’autant plus que les syndicats agricoles y sont fermement opposés. Quelles évolutions concrètes attendez-vous de cette nouvelle dynamique européenne ?

Ben Weyts : Je comprends le scepticisme, car nous faisons face à de nombreuses résistances. De nombreux pays européens refusent toute réglementation commune en faveur du bien-être animal. Cependant, il est essentiel de ne pas renoncer à la lutte pour une politique européenne en la matière ; au contraire, nous devons la renforcer. Une approche européenne est indispensable, car de nombreux enjeux, comme l'agriculture, le commerce de chiots, les longs transports d’animaux, ou la recherche scientifique impliquant des animaux, dépassent nos frontières. Si l’UE agit avec clairvoyance, elle travaillera rapidement à mettre en place une politique animale commune. L'UE cherche manifestement à obtenir un meilleur soutien auprès de la population. 

Par ailleurs, des millions d'Européens accordent une grande importance au bien-être animal et la nomination du premier commissaire européen dédié au bien-être animal représente une avancée majeure. Avec d’autres pays, nous continuerons à exercer une pression pour que ce projet se concrétise pleinement.

 

GAIA : Le Code flamand du bien-être animal prévoit l’élimination progressive des systèmes de cages pour les poules pondeuses, une mesure adoptée en 2018 en Wallonie. L’accord de Gouvernement fixe également des objectifs pour améliorer le bien-être des dindes, des poulets de chair et des porcs. Les obstacles constants restent les organisations agricoles et leurs alliés politiques, qui s’opposent à tout changement significatif. Selon eux, les animaux se portent bien, malgré les connaissances scientifiques actuelles qui indiquent un bien-être dramatiquement faible. Comment envisagez-vous de progresser dans ce domaine ?

Ben Weyts : Il est vrai que cette législature ne facilitera pas les avancées en faveur du bien-être animal, et la résistance sera encore plus forte. Cependant, cela ne nous a jamais empêchés d’aller de l’avant. Les agriculteurs ne doivent pas nécessairement être perçus comme des opposants, car ils ont aussi, objectivement, un intérêt pour le bien-être animal. C’est même une opportunité commerciale pour eux, car de nombreuses personnes sont prêtes à payer un peu plus pour de la viande provenant de producteurs engagés dans des pratiques respectueuses du bien-être animal. C’est pourquoi nous introduirons un nouveau label de bien-être animal dans les prochaines années.

ben weyts - bien être animal

GAIA : Dans le gouvernement précédent, vos partenaires de coalition, le CD&V et l'Open VLD, n'étaient pas vos plus grands alliés. Le CD&V avait accepté le Code flamand du bien-être animal à deux reprises au sein du gouvernement, mais a finalement voté contre la version allégée, que le Parlement a approuvée non sans difficulté. Vous avez réagi durement, qualifiant la position du CD&V de trahison. Ne craignez-vous pas une répétition ? Maintenant qu'Open VLD a été remplacé par Vooruit, êtes-vous en meilleure position pour adopter des mesures favorables au bien-être animal ?

Ben Weyts : Chaque parti compte des membres sensibles à la cause animale, mais, oui, il y a beaucoup d’opposition. Nous ne devons pas l'ignorer. Dès que cela devient concret, de nombreuses objections surgissent. Nous en avons pris l'habitude. Cela a toujours été le cas, et pourtant, nous avons déjà progressé sur de nombreux fronts. Le persévérant finit par l’emporter. L’important est de présenter de bons arguments et de ne pas reculer face à la résistance.

GAIA : Il n'y a toujours pas d'objectifs annuels clairs pour la réduction des expérimentations animales, alors qu'en 2019, vous aviez évoqué la mise en place d'un plan d'action concret à ce sujet. Quel est le programme pour ce mandat ? Envisagez-vous d'en faire une priorité ?

Ben Weyts : Ma vision des expérimentations animales est claire : elles représentent, au mieux, un mal nécessaire. Elles sont 'nécessaires' dans la mesure où elles demeurent parfois le seul moyen de lutter contre des maladies graves chez les humains et les animaux. Mais elles restent un 'mal', car elles causent souffrance et mort aux animaux. C’est un débat complexe, car beaucoup estiment qu'il ne faut pas remettre en question ces pratiques. Cependant, il est essentiel d’aborder ce sujet et d’affronter les oppositions.

Nous avons un plan d'action en cours. Nous visons une interdiction des expérimentations animales pour les détergents, un scénario de suppression pour les essais sur les chiens, les chats et les primates, et une taxe pour ceux qui continuent d'utiliser des animaux dans leurs recherches.

 

GAIA : Nous sommes convaincus que la Flandre doit adopter un modèle de qualité pour l’élevage de chiens. Il est impératif de mettre fin aux pratiques abusives d’importation de chiots malades. Les acheteurs doivent pouvoir avoir l'assurance que le chiot qu’ils accueillent est en bonne santé et bien socialisé. Cette garantie fait toujours défaut, et la situation reste dramatique. Avez-vous des propositions concrètes ?

Ben Weyts : Nous devons aborder ce problème de manière structurelle. La Flandre a lancé le projet « Breeding Healthy Pets », un programme pionnier visant à créer un tout nouveau modèle d'élevage. L’objectif est de n’autoriser la reproduction qu’avec des animaux en bonne santé. Ce projet est ambitieux et s’inscrit dans la durée, mais c’est la seule solution pour traiter le problème à la source. Nous commencerons par mettre en œuvre cette approche en Flandre, puis envisagerons de l’étendre à d’autres pays.

ben weyts - ministre flamand

GAIA : En tant que ministre du Budget, des Finances et du bien-être animal que pensez-vous du fait qu'en 2024, malgré une augmentation des moyens financiers ces dernières années, le budget alloué au bien-être animal reste nettement inférieur à celui d'autres secteurs ? Par exemple, 7,8 millions d'euros sont alloués au bien-être animal, contre 167 millions pour l'agriculture et 179 millions pour le sport. Prévoyez-vous une augmentation significative de ce budget pour la nouvelle législature ?

Ben Weyts : On peut aussi dire que peu d’autres domaines peuvent rêver d’une croissance aussi rapide que celle qu’a connue le bien-être animal ces dernières années. Nous avons réalisé des avancées historiques, comme l’extension significative du service d’inspection et l’instauration d’un soutien financier structurel pour les refuges. Nous avons également créé le Fonds de bien-être animal, que nous espérons voir croître dans les prochaines années. Bien sûr, le budget ne sera pas directement comparable à celui du secteur sportif dans son ensemble. Ici encore, je rencontre des collègues qui ne comprennent pas toujours pourquoi il serait nécessaire d’allouer davantage de fonds aux animaux. Néanmoins, nous continuerons à progresser sur cette voie autant que possible. 

 

GAIA : Quels sont, selon vous, les trois dossiers les plus importants en matière de bien-être animal pour cette législature ? Qu’est-ce que vous souhaitez absolument réaliser ?

Ben Weyts : Il est difficile de faire un choix, mais si je devais en sélectionner quelques-uns… Je pense, par exemple, au programme d'élevage ambitieux que j’ai mentionné plus tôt, auquel je crois profondément : éliminer les défauts génétiques « introduits » par l’homme. Nous devons également renforcer la lutte contre les produits cruels, comme les colliers étrangleurs et les pièges à glu, en visant leur interdiction durant cette législature. Le contrôle doit également s’intensifier : caméras obligatoires dans les abattoirs, 'mystery shoppers' pour prendre les vendeurs abusifs en flagrant délit, et recours à l’IA pour identifier plus rapidement les cas de maltraitance animale. Rien de tout cela n’est simple ou sans controverse, mais ce sont des mesures qui feront véritablement la différence.

 

GAIA : Ces dix dernières années, vous avez croisé GAIA à plusieurs reprises. Quelle est votre opinion sur GAIA et que pensez-vous de notre approche ?

Ben Weyts : GAIA joue un rôle différent de celui d’un ministre, et nous ne sommes certainement pas toujours d’accord, mais un sentiment prime pour moi : la gratitude. Depuis dix ans, nous œuvrons pour une politique en faveur des animaux au niveau politique, mais ce sont des organisations comme GAIA qui, depuis des décennies, ont éveillé les consciences face à la souffrance animale. Rien que pour cela, GAIA mérite une place dans l’histoire. Et bien sûr, votre mission est loin d’être terminée.