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Jane Goodall - adieu
2 Octobre 2025

1988, Amsterdam. Étais-je assis dans une voiture ou enfermé dans un sauna brûlant ? Je n’oublierai jamais ma toute première rencontre avec Jane Goodall, que j’ai conduite au restaurant végétarien où nous avions rendez-vous avec quelques participants à un congrès sur les expériences médicales sur les chimpanzés. J’étais terriblement nerveux et légèrement honteux. Car, à l’arrière de la voiture, se trouvait une légende mondialement célèbre, une icône que j’admirais profondément, une femme qui avait offert à l’humanité des connaissances révolutionnaires sur les chimpanzés — ces individus fascinants, chacun doté de sa propre personnalité et d’un comportement complexe. J’avais 27 ans et j’avais l’honneur de conduire Jane Goodall vers un restaurant… mais je m’y prenais si maladroitement. Alors que j’aurais voulu disparaître sous terre de honte, Jane Goodall est restée admirablement calme, patiente et bienveillante tout au long du trajet. Il m’a fallu du sang, (beaucoup de) sueur et des larmes, mais nous sommes finalement arrivés à destination.

Lors du congrès sur les expériences médicales sur les chimpanzés organisé à l’Université libre d’Amsterdam, auquel j’assistais alors, elle fit son entrée en saluant l’assemblée dans le langage des chimpanzés : de courts sons haletants se transformant en cris puissants et retentissants. Jane s’en est ensuite prise sans détour à l’arrogance des chercheurs qui réalisaient des expériences sur les chimpanzés et d’autres primates – dont beaucoup étaient présents dans la salle. Elle l’a fait avec intelligence, fidèle à son charme irrésistible. Mais je peux vous assurer que le message est passé. Il y a quarante ans, les grands singes étaient encore largement utilisés dans la recherche médicale. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, du moins dans le monde occidental. Et cela, nous le devons en grande partie à l’engagement exceptionnel, aux connaissances et à la force de conviction de Jane Goodall.

Lorsque, en 1985, j’ai découvert et dénoncé le scandale des chimpanzés qu’avait reçus illégalement le roi Baudouin lors d’une visite officielle au Zaïre (aujourd’hui la République démocratique du Congo), j’ai pu compter sur le soutien de nul autre que… Jane Goodall. Elle fut également à nos côtés dans le cadre de la campagne de GAIA pour interdire la détention de dauphins en captivité et contre les delphinariums. L’an dernier, elle a adressé un message vidéo au ministre flamand du Bien-être animal, Ben Weyts (N-VA), ainsi qu’aux membres de la commission parlementaire compétente. Peu de temps après, le ministre annonçait sa décision : le delphinarium de Bruges devra fermer.

Les images profondément émouvantes de la chimpanzée Wounda faisant ses adieux à Jane Goodall en 2013 en disent long sur le langage du cœur des chimpanzés… et sur celui de Jane Goodall. Wounda avait été victime de la chasse pour la viande de brousse (bushmeat). Après sa guérison complète et sa préparation au retour dans son habitat naturel dans une réserve protégée, elle fut relâchée d’un centre de réhabilitation au Congo. Alors qu’elle s’en allait vers une liberté retrouvée et bien méritée, elle se retourna soudain et s’avança vers Jane Goodall pour une étreinte intense. « La chaleur de cette étreinte » a profondément marqué Jane : « C’est l’un des moments les plus particuliers de ma vie », confia-t-elle.

Jane Goodall et michel Vandenbosch

Jane Goodall était une femme véritablement exceptionnelle, une grande dame. Comme pour beaucoup d’autres, elle a influencé ma décision de consacrer ma vie à la lutte pour la reconnaissance des animaux comme des « quelqu’un » et non plus comme des "quelque chose". Jane était infatigable. Elle n’a cessé de parcourir le monde, diffusant, en tant qu’ambassadrice de paix des Nations unies, son message puissant d’espoir pour l’humanité.

Ce ne sont pas seulement les chimpanzés qui pleurent la perte de leur plus grande protectrice. « Même cœur », m’a un jour dit quelqu’un au Ghana en parlant des humains et des chimpanzés. Jane Goodall continuera de vivre, c’est certain, dans le cœur des humains, des chimpanzés et de tous les autres animaux pour lesquels elle s’est battue toute sa vie. 

De votre vivant, vous étiez déjà une légende. Reposez en paix, Jane. Votre œuvre incomparable et votre combat monumental se poursuivront.

Michel Vandenbosch, pour GAIA