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Ann & Michel
30 Mars 2022

L'année 2022 sera spéciale pour GAIA. Il y aura bien entendu le développement de différentes campagnes, mais GAIA fêtera également son 30e anniversaire. Le moment est idéal pour interviewer les deux fondateurs de l'organisation de défense des animaux la plus connue de Belgique : Ann De Greef (Directrice) et Michel Vandenbosch (Président).

Ann et Michel, vous êtes là depuis le tout début. Comment tout cela a-t-il débuté ?

Michel : J'ai fait mes premiers pas dans l'activisme animal en 1985, avec le scandale du roi Baudouin qui avait reçu illégalement trois chimpanzés en piteux état de la part de Mobutu. C’était donc avant GAIA. A l’époque, mon analyse était la suivante : « Il y a toutes sortes d’abus avec les animaux et tout le monde semble l’ignorer, personne n’entreprend quoi que ce soit à ce sujet ; alors, montrons la réalité à la société, dévoilons tous les scandales qui existent ». C'est également avec cette stratégie qu’Ann et moi-même avons lancé GAIA, en 1992. Au début, il n’y avait que nous deux.

Vous avez probablement tout fait vous-même, alors ?

Michel : En effet, de A à Z.

Ann : Collecte de fonds, conférences dans les écoles, rédaction de textes, nettoyage, fabrication de panneaux, conférences, comptabilité : tout.

Et avez-vous accompli tout cela depuis chez vous ou disposiez-vous déjà d’un local à l’époque ?

Michel : Notre tout premier membre, Mary Beck, avait mis à notre disposition une petite pièce mansardée à Zele. Je me souviens d'une conférence de presse au sujet des accidents mortels à la course de chevaux de Waregem. Nous avions travaillé la nuit entière pour pouvoir tenir cette conférence de presse le lendemain à 10h00. Toute la nuit, nous avions rédigé nos fiches avec des gants, car le chauffage était en panne et il faisait un froid glacial.

BRIGITTE BARDOT

Avez-vous créé GAIA il y a 30 ans avec l'intention d'en faire une grande organisation structurelle ?

Ann : Non, l'intention était de mettre en place une organisation et d'arrêter au bout de vingt ans, lorsque tout serait résolu (rires).

Michel : Nous sommes allés en Amérique en 1991, chez PETA, pour apprendre les ficelles du métier avec eux.

Ann : Pas seulement PETA, d’ailleurs, mais également avec d’autres organisations. En Belgique, avant GAIA, il n'y avait rien dans ce domaine, mis à part quelques abris.

Michel : Oui, bien sûr, il existe plusieurs organisations d'aide aujourd'hui, et elles sont nécessaires. Mais nous voulions être davantage qu'un simple refuge. Lorsque les gens parlent de « bien-être animal », ils ne pensent qu’aux chiens et aux chats. Nous voulions changer cela. Nous devions élargir la notion de bien-être animal et montrer qu'il existe beaucoup d'autres animaux qui souffrent, souvent en bien plus grand nombre que les chiens et les chats, et qu'aucune organisation n'en est la porte-parole.

Ann : Nous avons commencé à sensibiliser les gens à l’époque où je travaillais comme volontaire à Veeweyde : Michel y travaillait également. Ensemble, nous avons organisé de multiples actions.  

Michel : En effet. Une fois, nous avons découvert des caisses de transport remplies d'oiseaux exotiques à Brucargo, Zaventem. Nombreux d’entre eux étaient morts mais nous avons travaillé jusqu'au petit matin pour transférer les oiseaux survivants vers des centres de refuge. 

Ann : J’ai commencé par appeler la Fondation Brigitte Bardot en France, pour demander si je pouvais créer un département de la Fondation en Belgique. Mais ils n'étaient pas intéressés. J'ai ensuite contacté Greenpeace Belgique et leur ai proposé de mettre en place une section spécifique pour les animaux. Ils n'étaient pas intéressés non plus, mais m'ont conseillé d'appeler un certain Michel Vandenbosch de Veeweyde « parce qu'il s'occupe d'animaux autres que les chiens et les chats ». Un peu plus tard, Michel et moi avons voyagé en Amérique pour voir comment les choses s’y déroulaient.

Là-bas, nous étions invités à des « fêtes de travail » et nous pensions alors « oh, super, une fête ! ». Mais en réalité, on nous confiait toutes sortes de tâches et, parallèlement à ça, nous parlions à quelques personnes (rires). Nous avons également assisté à un congrès et à une manifestation à Washington. De retour chez nous, nous avons alors décidé de ne pas collaborer avec PETA, plus grande organisation de défense des animaux au monde, mais plutôt de développer notre propre organisation belge.

TOTALEMENT IRRÉALISTE

Michel : En fondant GAIA, notre préoccupation principale était d'ordre politique. Nous avons immédiatement compris que, tant que le bien-être animal serait la responsabilité du ministre de l'agriculture, il n'y aurait guère d'amélioration. C’est alors qu’en 1992, GAIA paraissait dans le journal De Morgen. L’article mentionnait que GAIA exigeait un ministre du Bien-être animal et voulait séparer cette compétence de celle de l'agriculture.

Au sein du monde politique, notre idée était considérée comme totalement irréaliste mais nous avons persévéré et, regardez où nous en sommes aujourd'hui : trois ministres à part entière pour le Bien-être animal, séparés de l'agriculture. Nous sommes des fonceurs : lorsque nous avons une idée en tête, nous ne la lâchons pas. 

Peu de temps seulement après le lancement de GAIA, nous avions déjà obtenu un résultat révolutionnaire au niveau politique : l'interdiction des courses de chevaux dans les rues. Avec cette victoire, GAIA a directement fait grande impression. Pour la toute première fois, nous avions choqué la société entière avec des images d'infiltration, filmées dans des conditions risquées. À un moment donné, on nous a reconnus et j'ai dû courir. Les images ont été diffusées à la télévision. Les gens n'avaient jamais rien vu de tel en Belgique.

Nos adversaires et tous ceux qui nous traitaient de fous ont alors été forcés de se raviser. Nous avons carrément provoqué une crise gouvernementale. Le ministre de l'agriculture, contre l'interdiction de ces courses de chevaux barbares dans les rues, n’a pas eu d’autre choix que de se plier. Un groupe de plusieurs personnes qui défendent les animaux nous a suivis. Ils ont cru en GAIA et en sa capacité à devenir une organisation qui fera la différence.

Cela doit faire un sacré effet, de mener de telles actions et de paraitre dans le journal le jour d’après.

Anne : Oui, mais vous n'avez pas le temps d'y penser.

Michel : Gagner notre bataille, surmonter toute cette hostilité ; cela nous a donné beaucoup de satisfaction. Nous étions bien entendus heureux que l'on prête enfin attention à tous ces animaux oubliés. Il était nécessaire que l’on en parle, pour que les politiciens prennent enfin la problématique du bien-être animal en considération.

Ann : Aux commencements de GAIA, je travaillais encore dans une agence de voyage et il m’arrivait souvent de me rendre au travail sans avoir dormi. En chemin, j'avais parfois des hallucinations : je voyais sur l'autoroute des animaux qui n'y étaient pas. Vous êtes tellement épuisé que vous ne pouvez pas vous dire « wow, c'est fantastique ce que nous avons accompli ». C’est ma mère qui me rappelait toujours : « Hé, tu es à nouveau dans le journal, tu as vu ? ».

Michel : Ma mère était particulièrement inquiète, surtout durant les premières années. Notre toute première action fut une descente dans un abattoir de poulets ; cela n'était jamais arrivé en Belgique auparavant. A cinq heures du matin, nous avons débarqué avec le camion d'action GAIA. Les abatteurs ont soudain vu un camion arriver et, à la place des poulets, ce sont des militants qui en sont sortis. Nous avons alors immédiatement coupé l'électricité, de façon à ce que la ligne d'abattage ne fonctionne plus. 

Vous étiez là avec plusieurs personnes, donc ?

Michel : Oui, des dizaines de personnes et même des journalistes étaient dans le camion avec nous. C’était très impressionnant, mais Ann et moi n'avons jamais eu le temps de nous y attarder. Nous étions déjà en train de penser à la prochaine action.

AVENIR DURABLE

Pensez-vous qu'aujourd'hui, 30 ans plus tard, nous vivons dans un monde meilleur pour les animaux ?

Michel : En Belgique, si l’on compare à la situation d’il y a 30 ans, oui. Il faut imaginer le monde dont nous venons et les progrès que nous avons réalisés pour les animaux.  J'ai connu le temps où, si un député du Parlement fédéral osait poser une question sur la souffrance animale, les gens grognaient. On s’en moquait bien, à l’époque. Aujourd’hui, les choses sont différentes. Si on m’avait dit, dans le passé, que nous réaliserions tout cela en 30 ans, je ne l’aurais vraisemblablement jamais cru. En fait, c'est Ann qui m'a persuadé de créer GAIA. J'étais moi-même assez dubitatif. 

Donc sans Ann, il n'y aurait pas de GAIA ? 

Ann : Sans moi, Michel serait toujours à Veeweyde.

Michel : (rires) Oui, elle m'a poussé, c'est un fait ; alors je lui ai dit : « Allez, on y va ». Bien sûr, je ne m'en plains pas.

Étiez-vous plutôt une visionnaire à cet égard, Ann ?

Ann : Visionnaire ? Non, j'étais simplement convaincue que nous avions besoin d'une organisation qui défendrait tous les animaux et pas seulement les chiens et les chats.

Bientôt, GAIA déménagera dans de nouveaux locaux. Pourquoi ce déménagement ?

Michel : Quand vous êtes dans un endroit depuis 16 ans et que vous remarquez qu'il commence à se détériorer, le moment est venu.

Cela signifie-t-il également un nouveau chapitre dans le livre de GAIA ?

Michel : Absolument. C'est une page qui se tourne mais c’est également la perspective d'un avenir durable. Le nouveau lieu est idéal pour travailler encore plus efficacement, pour se développer. 

LE PLUS BEAU SOUVENIR

En 2022, GAIA soufflera ses 30 bougies, comment allez-vous célébrer cet anniversaire ?

Michel : La journée d’anniversaire de GAIA est le 10 juin mais nous organiserons un grand événement le 23 octobre. Nous allons faire de ces 30 ans une journée exceptionnelle. Une journée de rencontres entre personnes partageant les mêmes idées, le même amour pour les animaux. Durant cette journée d’anniversaire, les gens découvriront les réalisations de GAIA mais également ce qu’on leur réserve pour l’avenir. Notre combat continue et notre volonté ne dépérit pas.

Ann : Espérons que cet anniversaire soit marqué par l'interdiction de l'abattage sans étourdissement à Bruxelles. Ce serait tellement bien.

À quoi les gens peuvent-ils s'attendre cette année ?

Ann : Un symposium sur la viande cultivée, entre autres ; le premier du genre en Belgique. Des scientifiques, des start-ups, des responsables de supermarchés, des hommes politiques : toutes les parties prenantes y seront présentes.

Michel : Grâce à une transition vers la viande cultivée, les animaux n'auront plus à souffrir et à mourir pour notre alimentation.

Et quelle importance revêt pour GAIA la nomination d'un commissaire européen chargé du Bien-être animal ?

Ann : C’est très important : cela est dans la continuité de la nomination d'un ministre du Bien-être animal ; obtenue en Flandre, en Wallonie et à Bruxelles. Beaucoup de gens se demandent : « Qu'est-ce que ça peut bien faire, que la fonction apparaisse dans le titre ou pas ? ». Mais cela a de l'importance, car cela confère plus de poids. Il est alors possible d’allouer davantage de ressources en terme de temps consacré mais également en termes politique et personnel.

Enfin, quel est votre meilleur souvenir sur ces 30 années d’existence de GAIA ?

Michel : Oh, il y en a tellement. L'interdiction de l'élevage d’animaux à fourrure dans toute la Belgique, l'interdiction wallonne et flamande de l'abattage sans étourdissement ; nous pouvons vraiment en être fiers, nous nous sommes battus pour cela durant près de 30 ans. C’est une victoire que la Cour de justice de l'Union Européenne et la Cour constitutionnelle belge aient finalement donné leur aval à ces interdictions d'abattage sans étourdissement. « Vous avez écrit l'histoire », m'a dit Bart De Wever.

Et à votre avis, Ann ?

Ann : Je trouve très impressionnant de constater à quel point les gens nous font confiance, jusqu’à nous donner de l’argent. Nous ne bénéficions d’aucun subside, tout ce qui est ici, de la chaise sur laquelle nous nous asseyons à l'essence que nos formateurs mettent dans leur voiture pour se rendre au sein des écoles ; tout a été financé par un Wallon, un Bruxellois ou un Flamand. Sans vous, nous n'existerions tout simplement pas.

Michel : Cela confirme que votre confiance n'a fait que croître au fil des ans et ce, parce que nous tenons nos promesses. Aujourd’hui, il y a 85 000 personnes qui nous soutiennent, qui nous font confiance. Je vous en suis très reconnaissant. 

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