Des enquêtes sur le transport d'animaux vivants entre l'UE et la Turquie ont révélé un véritable scandale à la frontière alors que les exportations vers la Turquie sont montées en flèche et ont dépassé un million d'animaux en 2011 : infractions et souffrance animale sont monnaie courante.
Lors d'une conférence de presse, GAIA, Compassion in World Farming, Eyes on Animals, Animal Welfare Foundation et Tierschutzbund Zürich ont montré un film qui résume les résultats de quatre enquêtes menées entre octobre 2010 et novembre 2011 à la frontière entre l'UE et la Turquie. Sur 158 véhicules contrôlés à la frontière, 67 pour cent, une proportion alarmante, ont violé les règlementations européennes sur la protection des animaux pendant le transport.
Le film qui dénonce
Le film met à jour les souffrances infligées au cours de ce type d'exportations à des bovins et moutons agonisant, ayant les pattes cassées, entassés dans des camions sans ventilation adéquate, déshydratés et mourant de faim.
Morts au bout de quatre jours
Les périodes d'attente à la frontière qui se comptent en heures, parfois même en jours, du fait de papiers qui ne sont pas en règle et de contrôles administratifs stricts à l'importation, aggravent la situation. Dans un cas particulier, deux camions transportant des ovins grecs ont été retenus à la frontière pendant quatre jours. Au total, 14 moutons ont péri à la suite de cette attente prolongée.
Affamés
Peter Stevenson, Conseiller politique en chef de Compassion in World Farming, a déclaré : « Ce commerce inhumain a connu une croissance très rapide et, avec plus d'un million d'ovins et de bovins exportés vers la Turquie au cours de l'année passée, c'est désormais l'un des plus gros commerces d'exportation d'animaux vivants dans le monde. Entassés dans des camions surpeuplés, les animaux souffrent terriblement des longs trajets et des délais prolongés à la frontière. Ils deviennent très assoiffés et tellement affamés que certains d'entre eux en arrivent à manger leur litière sale. L'UE se doit de mettre un terme à ce commerce inhumain d'êtres vivants. »
Les Etats membres en cause
Les ovins et les bovins, y compris de petits veaux, proviennent d'un certain nombre d'Etats membres de l'UE comme la Hongrie, la Bulgarie, l'Autriche, la Grèce, la Lituanie, la Lettonie et l'Estonie. Les camions transportant ces animaux proviennent de ces pays, mais également des Pays-Bas, d'Allemagne, de Pologne, de Roumanie et de Croatie.
Un calvaire qui n'en finit pas
Les souffrances des animaux ne s'arrêtent pas à la frontière. Un grand nombre d'entre eux doit affronter un voyage exténuant à travers la Turquie, vers des destinations aussi lointaines que Erzurum à l'est du pays, à 1 500 km de la frontière.
58 °C
Parmi les problèmes les plus graves : un surpeuplement significatif, une hauteur libre insuffisante, une ventilation inadéquate (nous avons mesuré des températures atteignant les 58 °C à l'intérieur des camions en été), et un manque d'eau.
Abattages inhumains
La plupart des animaux sont envoyés à l'abattage, mais certains bovins sont exportés pour l'engraissement ou la reproduction. En Turquie, les conditions d'abattage sont souvent inhumaines. Les animaux sont suspendus par les pattes sur la ligne d'abattage où on leur tranche la gorge alors qu'ils sont conscients, puis ils se vident de leur sang. Suspendre par les pattes des animaux conscients la tête en bas constitue une violation des normes internationales de l'OIE (Organisation mondiale de la santé animale) dont la Turquie est membre. D'un point de vue éthique, il est inacceptable pour l'UE d'envoyer des animaux vers un pays qui ignore régulièrement les normes internationales sur le bien-être dans le cadre des conditions d'abattage.
Bloqués à la frontière
Lesley Moffat, Inspecteur et Directeur de Eyes on Animals, a déclaré : « Si nous ne sommes pas capables de mettre un terme à ce commerce inhumain, nous en appelons aux autorités et aux exportateurs/importateurs pour collaborer et ériger immédiatement une structure à la frontière. Il est actuellement impossible de décharger les animaux bloqués à la frontière pour plusieurs jours, ou les animaux qui arrivent avec des pattes cassées ou d'autres blessures douloureuses. Ils restent simplement à bord du camion, au risque d'être piétinés, de se déshydrater ou de périr. Après 10 ans d'inspections des transports animaliers, c'est une des situations les plus désolantes et les plus frustrantes que j'ai pu observer. »
Michel Vandenbosch, président de GAIA, n'a pas caché son indignation : « Rien ne peut justifier une pareille honte. Nous exigeons que la Commission européenne prenne d'urgence toutes les mesures drastiques qui s'imposent. » Après chaque enquête, les associations ont écrit aux principaux pays en cause, mais n'ont constaté aucune amélioration de la situation à la frontière en 2011, alors que le nombre d'animaux traversant la frontière en camion continue de grimper.
Iris Baumgärtner, Chef de projet chez Animal Welfare Foundation, a déclaré : « Nous avons vu des taureaux aux pattes cassées et des moutons mourants dans des véhicules qui venaient de passer un contrôle vétérinaire turc et avaient reçu le feu vert pour être transportés vers leur destination finale en Turquie. Il semble que la Turquie ne soit pas en mesure de garantir l'application des normes les plus élémentaires de protection des animaux à ses frontières : nourriture, eau, repos, et mise à mort d'urgence ou euthanasie pour les animaux blessés ou malades. »
Les organisations de défense des animaux appellent la Commission européenne à :
- suspendre l'exportation d'animaux vivants vers la Turquie afin de mettre fin aux souffrances des animaux de l'UE ;
- entamer des poursuites contre la Bulgarie et la Hongrie pour leur manquement systématique à appliquer la législation européenne sur la protection des animaux pendant le transport ;
- collaborer avec les autorités turques et les Etats membres impliqués dans ces exportations pour trouver des solutions permettant de réduire les délais à la frontière.